La loi C-19 et nos obligations internationales
Les modifications contenues dans le projet de loi C-19 sont incohérentes avec les exigences établies par des traités internationaux qui requièrent que les traces de ventes d’armes à feu soient préservées à des fins de traçage. Par exemple:
- Le Programme d’Action des Nations Unies en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects (2001) a été signé mais n’a pas encore été ratifié. Le Programme d’Action exige la mise en place de mesures pour assurer que les données concernant détention et le transfert d’armes légères et de petits calibres soient préservées le plus longtemps possible.
- Le Canada a signé le Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée en 2002, qui établit un mécanisme juridiquement contraignant spécifiant les procédures complètes pour l’identification, l’importation, l’exportation et le transit des livraisons commerciales d’armes à feu, leurs pièces, éléments et munitions. Cependant, le Canada a retardé à plusieurs reprises l’introduction de la règlementation nécessaire pour mettre en œuvre le Protocole et ne l’a toujours pas ratifié. L’article 7 du Protocole précise que : « Chaque État Partie assure la conservation, pendant au moins dix ans, des informations sur les armes à feu et, lorsqu’il y a lieu et si possible, sur leurs pièces, éléments et munitions, qui sont nécessaires pour assurer le traçage et l’identification de celles de ces armes à feu et, lorsqu’il y a lieu et si possible, de leurs pièces, éléments et munitions qui font l’objet d’une fabrication ou d’un trafic illicites ainsi que pour prévenir et détecter ces activités. »
- La Convention de l’Organisation des États Américains contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de munitions, d’explosifs et d’autres matériels connexes (CIFTA), a été signée en 1997, mais le Canada est l’un des quatre pays, parmi les 35 signataires, qui ne l’a pas encore mis en œuvre, avec la Jamaïque, Saint-Vincent & Grenadines et les États-Unis. L’Article XI sur la retenue des informations précise que: « Les États parties conservent les informations nécessaires pour permettre de dépister et d’identifier les armes à feu qui ont fait l’objet d’un trafic ou d’une fabrication illicites, pour une période de temps raisonnable afin d’être en mesure de respecter les obligations consacrées aux articles XIII et XVII. »
- Le Canada a signé en 2005 l’Instrument international de l’ONU sur la traçabilité des armes légères et de petit calibre (ITI), qui engage les États à assurer la mise sur pied de registres exacts et complets pour toutes les armes de petit calibre et les armes légères au sein de leur territoire — par l’État ou par des individus engagés dans la fabrication et le commerce. Le Canada a noté dans son rapport de 2009-2010 sur l’avancement de la mise en œuvre de l’ITI que « sa législation exige que chaque arme soit enregistrée dans l’inventaire du fabricant au moment de la production ou dans l’inventaire de l’importateur au moment de l’importation et à chaque transfert ultérieur, permettant une requête d’enregistrement électronique rapide afin de déterminer le dernier propriétaire légal d’une arme à feu à tout moment donné. »
Lors de la dernière Réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth en octobre 2011, le Premier ministre Harper s’est engagé à « lutter contre la prolifération et le trafic des armes légères et des armes de petit calibre illicites » ainsi qu’à « respecter toutes les obligations découlant du droit international et a exhorté tous les pays à devenir parties à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses Protocoles, puis de la mettre en œuvre» – ce qui inclus le Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu. Si le Canada entend se conformer à ses engagements internationaux et ratifier le Protocole de l’ONU sur les armes à feu ainsi que CIFTA, il lui faudrait abroger le projet de loi C-19 et développer des mécanismes alternatifs qui seront plus coûteux et qui ne seront pas aussi efficace ou exhaustif que l’actuel système d’enregistrement des armes à feu.
De nombreux alliés se sont opposés à la position du Canada dans la période qui a précédé les négociations du Traité sur le commerce des armes, car il s’est concentré uniquement sur la protection des droits des propriétaires d’armes et n’a fait aucun effort pour parvenir à un consensus entre les pays. Le TCA est le premier traité international qui a pour but de moraliser les ventes d’armes. Il fonctionne selon un principe simple, pas de transfert d’armes si celles-ci risquent d’être utilisées pour perpétrer des violations contre les droits humains. Il a été adopté à l’Assemblée générale des Nations Unies, le 2 avril 2013, par une écrasante majorité. Déjà 79 pays l’ont signé, dont la France, le Mexique, le Chili et d’autre comme les États-Unis ont signalé leur intention de le faire. Le Canada ne l’a pas encore fait.
L’influence du Canada dans les forums multilatéraux sur les armes légères continuera à s’affaiblir, alors que les États partenaires concluent que notre appui à l’action internationale sur le trafic des armes à feu a été mis au rebut. L’érosion du leadership du Canada à l’international reflète la forte influence du lobby des armes canadien (qui travaille en étroite collaboration avec la NRA américaine) sur les politiques nationales et internationales sur les armes à feu.